Fini les départs mora-mora (doucement le matin, pas trop vite le soir) depuis les récents investissements de la FCE : l'organisation met un point d'honneur à respecter l'horaire vasaha.
Le train s'ébranle donc à 6h45 dans une ambiance conviviale, tandis que les derniers voyageurs espèrent encore trouver un petit siège capitonné dans l'unique wagon de 1ère classe.
A peine parti, la bête humaine s'arrêtera dans une des 17 gares qui jalonnent sa progression.

Déjà, les vendeurs s'agglutinent aux fenêtres des compartiments, guettant le moindre geste d'un passager qui céderait au désir de croquer un beignet de banane, un oeuf dur voire une écrevisse.
A mesure que l'on descend, le paysage se fait plus sauvage : on quitte les forêts de remplacement (eucalyptus, sapins) pour s'immerger dans une végétation épaisse traversée par de magnifiques cascades. Le voyageur est tenté d'énumérer les quelques espèces qu'il reconnaît (carottes, radis...???) mais bientôt abdique sa prétention devant une diversité qui le submerge.
La pluie commence à tomber, et, curieuse, s'invite à bord grâce à la complicité d'espagnolettes fatiguées. Capricieuse, il lui arrive même d'obliger les voyageurs à descendre pour alléger le convoi qui patine sur des rails mouillés.
Parfois, on entend les passagers relater à voix basse les circonstances d'un déraillement passé comme pour conjurer le mauvais sort. Mais, la fragilité du système de frein tenu par quelques rafistolages astucieux démasque la vanité de cet exorcisme verbal.
Soudain, la végétation luxuriante laisse place à une gigantesque palmeraie abandonnée, spectacle féerique qui annonce notre arrivée prochaine dans l'accueillante Manakara... Déjà, les pousses-pousses sont en alerte sous les yeux ébahis des Vasaha tirés de leur sommeil.